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Commercialiser des vaccins en une année, est-ce dangereux ?

Il est tout à fait normal de s’inquiéter de la mise sur le marché de vaccins, censés être administrés à des millions de personnes, en seulement 12 mois. Il s’agit-là d’une performance étonnante quand on sait que certains médicaments peuvent nécessiter une dizaine d’années de recherche avant d’arriver dans nos pharmacies.

Néanmoins, si l’on regarde de plus près le parcours d’un candidat-médicament, on se rend compte que les facteurs contraignants sont généralement des freins administratifs et économiques (en admettant que le candidat soit sûr et efficace).

Aujourd’hui, il existe des traitements pour la plupart des maladies, donc un laboratoire X qui veut développer un nouveau médicament pour une pathologie Y doit procéder ainsi :

  • démontrer, une réelle efficacité, sa sécurité d’emploi, mais surtout une amélioration de la prise en charge courante de la pathologie ciblée : 7 à 10 ans d’essais cliniques ;
  • soumettre un dossier d’autorisation complet aux autorités de santé qui vont décider ou non d’octroyer l’autorisation de mise sur le marché (AMM), mais surtout le remboursement, sans lequel le produit sera peu ou pas prescrit : 2 à 3 ans de procédures administratives.

Les essais cliniques se déroulent en 3 phases : les phase 1 et 2 démontrent l’efficacité et la tolérance du médicament ; la phase 3 va permettre de le comparer aux traitements de référence, et ainsi de le situer dans la stratégie thérapeutique.

Après chaque phase, on évalue l’intérêt continuer le développement, c’est-à-dire la probabilité d’accéder au marché, et d’être suffisamment prescrit pour couvrir les coûts de recherche, de production et de distribution (~ 1 milliard d’€).

Il va donc falloir plusieurs années et beaucoup d’argent pour tester plusieurs molécules, et mettre au point un produit sûr, efficace, et rentable.

Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, les différentes phases des études cliniques et les demandes d’autorisations de mise sur le marché ont pu être réalisées en parallèle car :

  • le principe de la vaccination, quel que soit le type de vaccin, est très bien connu ;
  • il est assez simple de démontrer l’efficacité d’un vaccin, un essai de phase 3 sur 6 mois est suffisant ;
  • les ressources humaines, matérielles, et financières allouées à la recherche ont été colossales ;
  • les autorités de santé prévoient des procédures réglementaires d’urgence avec une évaluation accélérée : demande d’AMM dès le début du développement, pièces du dossier fournies et évaluées au fur et à mesure de leur obtention par le laboratoire, toujours OBLIGATION de démontrer un rapport bénéfice risque favorable avant la mise sur le marché.

Les vaccins sont donc actuellement commercialisés sous AMM conditionnelles, avec l’obligation de fournir des données complémentaires selon un calendrier très strict jusqu’à 2023.

De plus, tous les médicaments sont réévalués périodiquement au regard des données de vie réelle et peuvent voir leur AMM modifiée, restreinte, voire supprimée à tout moment.

 

Gérôme GENDREY
Docteur en Pharmacie
Master Affaires Réglementaires Européennes et Internationales des Produits de Santé
Faculté de Pharmacie de Lille